Dès aujourd'hui
Le centre d’art contemporain Zoo invite Yan Tomaszewski à réaliser une exposition monographique du 14 mars au 24 mai 2025.
Le travail de Yan Tomaszewski recourt à divers médiums en fonction des projets qu’il met en œuvre ; pour le projet Gangnam Beauty par exemple, où il met en scène le désir de transformation physique d’un admirateur d’un leader de la K-pop, il est vidéaste ; pour interroger les motivations derrière la destruction d'une maison de collectionneurs il est à nouveau réalisateur pour le film The Good Breast and the Bad Breast déjà présenté par le centre d’art Zoo dans le cadre de l’exposition Shelter à l’Atelier de Nantes. Mais le jeune artiste parisien est aussi sculpteur, céramiste, vitrailliste, installationniste, etc., chaque fois se faisant aider par une équipe de spécialistes avec lesquels il met en œuvre de véritables collaborations.
C’est le projet final qui décidera du médium privilégié : pour la commande qu’il a réalisé avec le musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, Yan Tomaszewski « s’est fait architecte » pour concevoir une caverne en forme d’astéroïde : à l’intérieur de cette dernière était disposé un ensemble de récipients en verre aux allures de béchers et autres flacons en verre, ceci pour évoquer le laboratoire stellaire à l’origine de la vie sur terre issue de la poussière d’étoile venue bombarder le sol de la planète lors de sa formation. Les centres d’intérêt de l’artiste vont de la K-pop à la psychanalyse, en passant par l’astronomie et les mythes asiatiques.
L’artiste éprouve un intérêt particulier pour les saints sauroctones, ces saints pourfendeurs de monstres dont l’origine se perd dans les méandres de la préhistoire de la chrétienté et qui condensent un certain nombre de thèmes comme la persistance de cultes païens, une imagerie que l’on pourrait qualifier de fantastique, mais aussi la crainte qu’éprouvent les populations à l’endroit des fleuves, générateurs de crues dévastatrices. Cette crainte s’incarne dans la figure de monstres (dragons et autres vouivres) que les saints en question viennent combattre. Un arrière-plan moral se dégage aussi de cette lutte que mènent les saints et donc la chrétienté envers les forces de la nature qu’il s’agit de maîtriser.
Si les anguilles n’appartiennent pas à cette catégorie d’animaux légendaires, elles s’y apparentent par leur déplacement et leur aspect serpentin qui fait également penser au cours des fleuves sauvages. Au XIIIe siècle, des procès en excommunication sont perpétrés à l’encontre des anguilles, témoignant du regard des populations locales à l’endroit de ces animaux que l’on soupçonne d’être malfaisants, maléfiques. Cette subjectivation très contemporaine de l’animal s’accompagne d’une volonté de punir ces animaux, une connotation morale que l’on retrouve aussi dans le terme de « correction » appliqué à la rectification du cours des fleuves, un terme toujours en vigueur.
Ces anguilles sont aujourd’hui menacées d’extinction du fait justement des nombreuses modifications que l’homme a apportées aux fleuves sauvages et qui rendent les trajets vers les zones de reproduction de plus en plus difficiles. En même temps, ils font l’objet de recherches poussées de la part de scientifiques qui étudient des mouvements capables de les propulser jusqu’au milieu de l’océan en dépensant un minimum d’énergie : le centre d’art présentera un « robot anguille » qui reproduit la forme et le mouvement de l’animal, conçu en collaboration avec le laboratoire Robotique et Vivant de l'IMT Atlantique de Nantes. Un avatar qui renvoie par ailleurs à la volonté très contemporaine et pour le moins angoissante de remplacer le vivant par des machines, un thème qui rejoint les préoccupations de l’artiste : ce dernier s’est déjà penché sur la question du fleuve ainsi que de la conservation de son biotope, sans oublier toutes les manifestations cultuelles qui lui sont attachées et qui ont déjà fait l’objet de la part de l’artiste d’un projet conséquent avec la Galerie Municipale Jean Collet et le MAC VAL situés à proximité des bords de Seine.1
Pour l’exposition au centre d’art Zoo, l’artiste a réalisé une grande installation faite d'îlots qui déploient nombre d’éléments liés à l’historiographie des fleuves et aux mythologies qu’ils drainent en produisant notamment un vitrail figurant ce fameux saint sauroctone et en créant des sculptures hybrides en céramique et verre coloré qui proposent une imagerie renouvelée de l’imaginaire fluvial. Une imagerie brouillée par les milliers de microbilles de plastique qui viennent recouvrir le sol de ces îlots et nous ouvrir les yeux sur la réalité des atteintes au biotope tandis que l’anguille robot, au-delà de la prouesse scientifique qu’elle représente, nous alerte sur les menaces qui pèsent sur la faune des milieux aquatiques naturels.
1 Sequana, exposition à la Galerie Municipale Jean Collet et au MAC VAL, 2023.